Crayonnages
Isoloir et peau de banane
Une pièce exiguë sans fenêtre, un lavabo, un lit de camp, des magazines pornographiques.
Un homme se lève du lit. Il prend une craie blanche de sa poche et dessine une fenêtre. Il l’ouvre. Une mouette entre et lui chie sur la tête. Un nuage entre et il pleut dans la pièce. L’homme efface la fenêtre.
– Ça va être un grand jour aujourd’hui. Je le sens, l’air est frais comme un petit téton.
– Mais qu’est-ce qu’il fout mon humain? se demande Clodius le chat. J’ai faim moi. Tiens! Un rhinocéros à la télé!
– Hello! Hello! Jour d’élection! Tous les articles jaunes et rouge de plus de vingt ans doivent se rendre aux isoloirs! Sinon, c’est un temps de merde pour une vie de merde, beugle la télé.
L’homme dessine une peau de banane pour la pâtée du chat.
– Connard! Dessine-moi une souris verte avec des gros lolos et en portes-jarretelles hongroises, et talons aiguilles! Siffle le chat entre ses crocs.
– Salut, le chat! Si tu veux je te lis un poème! Propose Guy Livingston le goéland.
Clodius pense en lui-même : « Mais qu’est-ce qu’il veut ce piaf? »
Guy scande quelques vers :
Sous un ciel paresseux
Un soleil échoué
Un enfant lit le message des Dieux
Puis le souffle court ,
il court, il court
après la Vie.
Un soleil échoué
Un enfant lit le message des Dieux
Puis le souffle court ,
il court, il court
après la Vie.
L’homme dessine une porte pour se rendre à L’ISOLOIR.
La pièce s’effondre de solitude.
Le petit chat est mort mangé par la télé mangée par le goéland.
*
L’ISOLOIR, un café de rue, sympatique. Robert de Fesse Blanche se plaint : « J’ai perdu ma femme! T’imagines!? Elle portait des portes-jarretelles hongroises et talons aiguilles! Je ne l’ai plus revue. » Robert sanglote sans pause, sans sucre, sans rien. Sang d’encre.
L’homme lui dessine une souris verte qui glisse sur une peau de banane.
– Tu vas voter? demande Lionel à Robert. Moi, je suis perdu! J’irai bien aux îles Mouk-Mouk danser le Hula Hoop avec Julie.
L’homme lui dessine une île déserte avec Julie dans un isoloir mangeant des peaux de bananes.
L’homme dessine une porte et va aux toilettes.
Guy Livingston le goéland entre par la fenêtre et chie dans la cuvette.
*
Gontran et Églantine se trouvent à la plage des îles Mouk-Mouk. Il y a des grains de sable, des miettes de pain, de la poussière et des regrets partout dans les cheveux de la Folle aux Shahs. Mais ça ne regarde pas nos deux amoureux, pour peu qu’ils soient amoureux, ou qu’ils le veuillent, ou qu’on le prétende, ou à ce qu’il puisse paraître, là maintenant en les regardant se regarder.
– As-tu des nouvelles des élections? demande Gontran à Églantine.
– J’ai loué un voilier pour notre promenade. Il s’appelle « Le goéland qui chie sur la cuvette » Quel drôle de nom! s’exclame Églantine en posant sa tête et son livre sur les genoux de Gontran.
– Il faudra demander à ta tante Julie de garder Clodius. Tu connais les chats, ils foutent le bordel dès qu’on a le dos tourné!
– T’inquiète, elle va te le tenir serré.
– Quoi ça? Dit Gontran coquin.
À l’embarcadère, le capitaine refuse d’emmener Églantine à la raison qu’elle a une souris verte dessinée sur sa robe. L’homme gomme la robe d’Églantine qui se retrouve toute nue. Le capitaine la kidnappe et s’enfuit avec le voilier.
L’homme dessine un dauphin. Il grimpe sur son dos. Rattrape le voilier et y dessine une écoutille. Il entre.
– Un dindon à bord! d’alerter la vigie alarmée.
La télé de la cabine du capitaine gueule : « Avis de tempête dans la culotte d’un zouave. Les femmes et les enfants d’abord! Mille sabords! »
– Dis maman, c’est quoi la dictature des Médias? grésille la télé miniature du bosco.
Guy le goéland entre par l’écoutille et chie sur la mappe-monde.
Au loin la tempête s’annonce comme un festival de F1.
Un tsunami balaie tout sur son passage. L’homme dessine une arche de Noël et y dépose Églantine et Gontran en leur laissant un régime de bananes et un paquet de capotes.
L’homme dessine une porte.
*
L’ISOLOIR, boîte de nuit, sympathique.
– Putain, je suis trop vieille pour ce genre de truc, pense Julie. Elle rafraîchit son rouge sur les lèvres à l’aide du miroir de poche. Au bar, un jeune homme s’ennuie.
– J’vous sers un Goéland qui chie! dit la serveuse sortie du brouillard comme un iceberg. C’est du rhum avec un nuage de lait de coco.
– C’est quoi ton nom? de demander le jeune homme surpris. Il sourit enfin.
Églantine de Pinardière. Je sers ici le soir pour payer mes études en sciences politiques. Mais je parle jamais de politique, mais j’aime bien sucer les marins, chuchotte-t-elle de façon à se faire bien entendre.
– Wow! Politique! C’est pas un milieu d’homme la politique? J’veux dire, c’est pas dur contre les femmes? Hé! Je suis marin de bar en bar. Moi, c’est Barnabé.
Gontran arrive au bar soûl comme un chat perdu. Qui est-ce qu’a vu… Burp! Hips! Ma guenon? S’appelle… Hips! Julie… Hips!
– Coucou Tantan! Je t’attendais… ment Julie qui se sent coupable.
– Bah! Je reviens te chercher… Hips! Je sa… savais que… que tu m’attendais.
– Ben mon salaud! T’en tiens une foutre bonne comme un goéland bourré au Prozac. Ben pour la bagatelle, tu peux te taper la bite sul’front.
L’homme dessine une boîte de Viagra dans la main de Gontran et efface les rides du vieux couple.
La télé de l’ISOLOIR annonce : « Nous rappelons qu’après minuit, les prix augmentent de trois cent pour cent pour les célibataires. »
– Tu finis à quelle heure, Églantine? de demander Barnabé.
– Je fais la fermeture… de répondre Églantine avec une moue embarrassée.
Une hongroise s’approche de Barnabé : « Hé! Marin! Hips! T’m’offres une souris verte… Hé! dis? »
La télé ayant la diarrhée avertit les hynoptisés.
– Paraît que c’est la grippe des îles Mouk-Mouk! Aux abris!
– Hé marin! C’est ton jour je vous offre une souris verte (elle regarde à gauche puis à droite) elle glisse un paquet de capotes La souris verte : « On l’aime sous la couverte! »
La hongroise vomi dans le verre de Barnabé. Le jeune homme sort son schlass et trucide la pute. L’homme sort sa gomme et efface les dommages et intérêts.
Horloge : 22h. Églantine se fait chier.
Le marin gonfle les capotes et tire la voile.
L’homme dessine une porte et va au guichet du coin. Le guichet automatique invite l’homme comme une hôtesse de l’air : « Veuillez insérer de la monnaie : 2$/crédit. »
L’homme ajoute mille zéros. Prends la tune. Nique la banque. Efface la machine.
L’homme dessine une porte et va porter une part à Églantine, qui fout le camp aux îles Mouk-Mouk et invite tous ces amis au restaurant Le goéland qui chie sur la cuvette sauf bien-sûr qu’Églantine part aux îles Mouk-Mouk.
La télé du restaurant chiale : « Tout est foutu! Personne n’a voté! »
*
Ruelle sombre. Sympathique. Clodius le chat de ruelle fouille dans une poubelle. Il trouve une Bible et trois bouteilles vides. Clodius est déçu : « J’irai pas chier loin avec 15 cents! »
Une porte en or s’ouvre . L’homme appelle Clodius. Le chat court le rejoindre. La porte se ferme avec un salut militaire.
Clodius au Banquet des Dieux s’écrie heureux : « Nom d’une souris verte! Vise-moi toute cette boustifaille! »
Guy le goéland entre par la fenêtre et chie sur un portrait de la Reine.
***
Guy Lechevallier : https://www.facebook.com/profile.php?id=100006769757122&fref=ts et Clodius : https://www.facebook.com/clodius.rimailleuxfref=ts, 2016.