🧠 UNIVERSAUX SITUÉS — POUR UNE ÉPISTÉMOLOGIE INCARNÉE DANS UN COSMOS MONISTE

🗣️ ouverture — la langue comme médecine

selon un sens proche du collectif mu, je crois que la langue est un médicament. elle sert moins à nommer le monde qu’à recoudre notre blessure fondamentale : celle de naître dans et par la rupture d’avec le monde.

nous venons au monde séparé·x·es, expulsé·x·es, arraché·x·es. par la langue — par le souffle, le rythme, le chant, le récit — nous recréons la relation, nous réparons le lien, nous rejoignons le cosmos.

homos · logos · cosmos — le corps qui parle, le souffle qui relie, le monde qui écoute. la langue est moins un outil qu’une médecine relationnelle. elle guérit les corps blessés par la séparation fondamentale qui nous plonge dans ¬Kc, elle crée des universaux situés ΣKc, elle tisse des mondes pluriels.

📍 la querelle des universaux — une reformulation située

la querelle des universaux oppose les réalistes (les universaux existent en soi) aux nominalistes (ils ne sont que des noms). mais cette opposition repose sur une vision désincarnée de la connaissance : comme si les idées flottaient au-dessus du monde, comme si les mots étaient des étiquettes neutres, comme si le réel pouvait être capté sans corps.

je propose une reformulation : les universaux ne sont pas des essences flottantes. ils ne précèdent pas le monde. ils émanent de nos corps, de nos blessures, de nos besoins, de nos appétits, de notre quête de joie, de nos relations, de nos gestes. l’univers est immanent. nous sommes des pôles expérientiels.

📐 le corps situé comme mesure de la connaissance

nous sommes toustes incarné·x·es dans un corps. ce corps n’est pas par essence un obstacle à la pensée : il est sa condition. il sent, il parle, il se souvient. il est traversé par des mémoires, des désirs, des peurs, des appétits, une quête de joie.

penser, c’est composer avec ce corps — pas le nier. c’est reconnaître que toute idée vient d’un corps qui écoute, qui transforme, qui relie.

homo-mensura — comme le disait protagoras, l’homme est la mesure de toute chose. mais il faut aller plus loin : le corps situé est la mesure de toute connaissance. pas un homme abstrait, mais des corps pluriels, blessés, traversés par le monde.

team protagoras — penser, ce n’est pas s’élever au-dessus du réel. c’est plonger dans la relation, et reconnaître que toute idée vient d’un corps qui sent, qui parle, qui se souvient, qui entre en dialogue avec ses relatifs, avec les corps qui cohabitent le réel.

💞 les universaux comme résidus de relation

les universaux ne sont pas des entités métaphysiques. ce sont des résidus de relation, des tentatives de stabiliser ce qui nous traverse. dire « justice », « vérité », « corps », ce n’est pas nommer une essence :
c’est composer une mémoire partagée, une orientation vers le soin, une manière de dire « nous ».

comme le dit une leçon de la midewiwin :

« les mouvements sont des relations,
des dialogues entre des êtres,
qui s’écoutent et qui se transforment. »

c’est cela, un universel situé : non pas une vérité hors-sol, mais une forme relationnelle qui se stabilise dans l’écoute, la transformation, le dialogue.

🍼 le conatus comme pulsation épistémique

nous ne sommes pas des esprits détachés. nous sommes des corps qui portent des blessures, des désirs, des appétits, des peurs, une quête de joie. chaque idée que nous formulons est traversée par ces affects. chaque connaissance que nous stabilisons est nourrie par cette pulsation.

le conatus, chez spinoza, désigne l’effort de chaque chose pour persévérer dans son être. mais ici, nous le réinterprétons comme une nécessité du corps de persister dans un univers en expansion — une pulsation épistémique, une tension vers la relation, une orientation vers le soin.

cet univers en expansion étend l’inconnu — ¬𝐾𝑐 — et appelle nos corps à s’arrimer à la réalité évanescente, à ce qui fuit, à ce qui résiste. et cette réalité évanescente nourrit notre corps de choses à connaître — Σ𝐾𝑐 —
dans une dynamique de transformation.

ainsi, ℝ = Σ𝐾𝑐 + ¬𝐾𝑐 — le réel est la somme de ce que nous connaissons et de ce que nous ne connaissons pas encore. et le conatus est ce qui nous pousse à relier, à comprendre, à composer, à guérir, à agir dans le monde.

💡 composition de la connaissance

la connaissance n’est pas un bloc. elle est une composition :

COMPOSITION DE LA CONNAISSANCE
→ Kc = territoire + corps + croyance + expérience + justification + relation + geste + mémoire

chaque connaissance est située. elle vient d’un lieu, d’un corps, d’une histoire. il est traversé par des croyances, des pratiques, des gestes. il est justifié dans un contexte propice, et il peut être contesté, transformé, relié dans l’intersubjectivité, pourvu qu’il ressente la tension entre les corps dans un espace commun sans perdre de vue le réseau d’affects qui construit le socle de ses apprentissages.

🫀 les besoins comme formes relationnelles

nos besoins ne sont pas universels par essence. ils sont composés selon les conditions environnementales :
→ température, humidité, densité, accessibilité, présence, mémoire, soin.

un besoin n’est pas une donnée brute. c’est une relation entre un corps et un milieu. c’est une tension, une pulsation, une orientation.

la faim n’est pas la même dans le désert que dans la forêt. le besoin de soin n’est pas le même dans l’exil que dans la communauté. le besoin de parole n’est pas le même dans le silence que dans le vacarme.

🚨 contre les clôtures dogmatiques

ce que je critique, ce ne sont pas les croyances. ce que je critique, ce sont les postures dogmatiques —
→ celles qui refusent la réfutabilité, la pluralité, la relation.
→ celles qui se croient universelles, neutres, hors-sol.

un athéisme peut devenir dogmatique lorsqu’il refuse toute critique. une religion peut devenir dogmatique lorsqu’elle s’impose comme vérité unique. une science peut devenir dogmatique lorsqu’elle oublie ses conditions de production. la Dogmatisation est une posture, pas une essence. elle se reconnaît à sa Clôture, à son Surplomb, à son Effacement des autres voix.

➕ une épistémologie syncrétique et pluraliste

je ne défends pas une tradition unique. je relie. je compose. je tisse. je mobilise les cosmologies autochtones, les pensées critiques, les gestes de soin, les mémoires blessées. je crois à la possibilité d’une épistémologie syncrétique — qui ne fusionne pas, mais qui relie sans effacer.

je crois que les connaissances peuvent coexister, dialoguer, se transformer. je crois que la pluralité est une force, pas une faiblesse. je crois que la pensée située est plus rigoureuse que la pensée abstraite, parce qu’elle reconnaît ses conditions, ses limites, ses relations.

🌌 conclusion — penser dans un cosmos moniste

nous ne pensons pas dans le vide, mais dans un cosmos moniste — un monde sans séparation entre matière et esprit, corps et idée, nature et culture. tout est relation, mouvement, transformation, il nous appartient d’y plonger selon nos capacités et nos besoins.

penser, ce n’est pas s’imposer ni disqualifier gratuitement. penser, c’est relier, écouter, transformer ; c’est reconnaître que toute idée vient d’un corps qui sent, qui parle, qui se souvient.

les universaux ne sont pas des clôtures. ce sont des relations qui s’ouvrent au gré du monde mouvant, que nous devons nommer ensemble pour faire société. ce sont des gestes de relation, des mémoires partagées, des orientations vers le soin. ils ne s’imposent pas, ils se tissent.

ℝ = ΣKc + ¬Kc — le réel déborde toujours de ce que nous savons. et c’est dans ce débordement que nous pouvons penser, relier, guérir.

penser, c’est relier. relier, c’est guérir.

◼︎

POUR M’ENCOURAGER
🌳 [linktr.ee/clodius.blog]