/taji̊ga/
j’irai me perdre dans les rues infâmes
jusqu’à ce que je trouve l’espoir de ta main
il existe des écorces
qui ne tiennent qu’à un fil
les bornes ponctuent mon exclusion
sans chemin
ni retour
le souvenir de t’avoir touché
un acouphène sur la peau de mon chagrin
tout puissants que sont les alvéoles cendrés de la ville impériale
déployer les prières et les aveux
rien ne songe à te mentir
sinon les lieues et ton indifférence
je m’anarchise de te convaincre
existerions-nous ailleurs que dans le souvenir
un mouvement céleste et ton cœur
le code et les gestes
t’appartiens-tu?
l’arbre d’être un arbre?
demain la taïga?
*
la terre ne sera plus la terre
et le ciel
le ciel
les corporations mur à mur
de rive en rive
jusque dans l’air
invisibles et impunies
derrière les médias Hollywood
Québec ou Canada
les riches n’ont cure
ni des peuples
ni des nations
ni de vos valeurs
ni de votre identité
menacée
mais les espèces
les océans
le mur
le non-retour
à quand la lumière de redevenir la lumière
à quand l’arbre d’être un arbre
l’exil est dans ma tête
demain la taïga
*
les genévriers chantent en mineur
la langueur de l’automne
la Mort me sait par le cœur
me sépare d’il n’y a plus personne
mais la rue nous marchera la voie
la voix en avant et le silence et dors
demain le blond du ciel
parfois en hurlant
les salauds
dehors
la voix en chantant les oiseaux
alors
demain la taïga
*
j’ai le loup qui cherche dans la lune un écho
j’ai le béluga de l’urgence de nous défendre
j’ai le caribou pour marcher ma colère
j’ai la chouette à veiller sur nos enfants
j’ai l’alouette en colère dans la tête
j’ai les arbres tendus
sous le vent
la pluie
les étoiles
et le soleil
car demain
demain la taïga
*
la grande brisure du monde et du sol
pour voyager seul dans un bolide
la grande brisure du monde et du ciel
pour voyager seul dans la ville
la grande brisure du monde et des âmes
qui errent et qui fourmillent
soudain l’arbre naquit
à qui l’arbre devait?
à lui-même pour la gloire du soleil
de son verbe qui réduit le tibias
l’homme et le monde
de redevenir cohérent
la marche des âges et des fleuves
existerions-nous ailleurs?
mais quand?
demain la taïga?
dans les sous-bois
la ville cache sa voix
elle thésaurise
ce qu’il faut que tu nous dises
hantises
les Rois et les girouettes
la ville cache ses gestes
et les restes
des squelettes
qu’elle rejette
l’écran et le volume éteint
la ville se déverse de l’écran lointain
et tu guettes le repos à venir
des étoiles aux enfants pour dormir
et la rue traversera les quartiers
abandonnés
à une poignée de fédérés
où crois-tu te rendre et à qui?
le blason et te refaire un nom
en pleine savane et sarbacane
les lances hautes et dignes
ou la pêche à la ligne
toutes les charpentes aux toits des enfants
d’un âge sans prière
les hommes, les femmes et les fauves
dans la courbure du soleil
toutes les gloires oubliées
que la gloire des pigeons et des statues
l’âge et les fleuves…
où iras-tu mais quand?
demain la taïga?
*
cette terre et ces langues spoliées, plus aucun mot ne signifie liberté
je vais regagner ma couche, sans aucun mot dans la bouche
je vais déterrer un rêve, qui meurt d’envie de la sève
j’attends la lumière de redevenir la lumière
j’attends l’arbre d’être un arbre
et qui sait
demain la taïga?
*
je n’en suis pas qu’à la colère
j’en suis déjà au rêve
à la rage d’espoir
et à la fraternité des arbres
sous le ciel de nos prières
que nous lançâmes
à la sororité de nos blessures
ouvre-moi un œil
offre-moi une oreille
prête-moi un langage
la certitude est de te rencontrer
demain la taïga
*
#taïga
– clodius, 2015